Articles en ligne du Courrier de Berne

Trop fortes chutes de neige à Berne!

Tiefbauamt Stadt Bern /DR

Les 21 novembre 2024, les fortes chutes de neige ont paralysé les transports publics et la circulation à Berne. Pour couronner le tout, la voirie n’a pas assuré le déneigement ce jour-là et le suivant. Bilan : la police bernoise a fait état de 27 accidents de la route en ville. Stefan Schärer, responsable de l’entretien des routes et du service hivernal à la Direction des ponts et chaussées de la Ville de Berne, revient sur les raisons de ce cafouillage.

« IL S’AGISSAIT D’UNE SÉRIE DE CIRCONSTANCES AGGRAVANTES»

Les 21 novembre dernier, le service hivernal de la Ville de Berne n’est pas intervenu pour déblayer la neige alors que le chaos régnait en ville et sur les routes. Pour quelles raisons ? Les chutes de neige du 21 novembre étaient extraordinaires à plusieurs égards. D’une part, il est tombé beaucoup plus de neige que ce que les prévisions météorologiques laissaient supposer. D’autre part, le gros de la tempête s’est produit exactement pendant l’heure de pointe du soir, ce qui a causé d’importants problèmes de circulation avec des véhicules bloqués sur les routes. Les véhicules de déneigement des services de la voirie se sont retrouvés bloqués dans les bouchons et n’ont pas pu accomplir leur tâche comme prévu. De plus, à cause du trafic, la neige a été comprimée sur la chaussée, ce qui a formé des couches de glace et a rendu le déneigement encore plus difficile. Cette situation problématique n’a pas concerné seulement Berne, mais aussi de nombreuses autres villes suisses. Les équipes de déneigement ont dû évacuer environ 600 tonnes de neige du centre-ville au cours des jours suivants, afin que les élections municipales et le marché aux oignons (« Zibelemärit ») puissent se dérouler normalement. Cette opération a été très coûteuse en ressources et a nécessité l’intervention de forces supplémentaires, ce qui a eu pour conséquence que le déneigement des rues résidentielles, des passages piétons et des pistes cyclables a dû être effectué plus tard.

Ces chutes de neige étaient pourtant prévues…
Oui, le service de la voirie était bien préparé à l’arrivée de l’hiver. Dès que les chutes ont commencé, les équipes de déneigement ont été envoyées sur le terrain. La Direction des ponts et chaussées a mis en action tout le personnel et tous les véhicules disponibles (100 personnes et 50 véhicules). Mais, comme mentionné plus haut, les difficultés liées au trafic du soir ont surgi.

Combien de neige est tombée ce jour-là à Berne ?
Le service de la voirie ne dispose pas de données exactes sur les quantités de neige tombées, mais il semble qu’il y ait eu environ 30 cm.

Pourquoi le chaos a-t-il duré si longtemps, à savoir jusqu’au 22 novembre ?
Comme expliqué, il s’agissait d’une série de circonstances aggravantes : quantité de neige, moment des chutes de neige, événements au centre-ville. À partir de dimanche soir, l’accent a été mis sur le déneigement des arrêts de transports publics et des passages piétons, puis le déneigement des quartiers et des pistes cyclables a été pris en charge. Le fait que le déneigement n’ait pas pu être effectué selon les priorités habituelles et dans les créneaux horaires prévus lors de ce phénomène météorologique exceptionnel était malheureusement inévitable. En règle générale, par exemple, les principales pistes cyclables sont déneigées au niveau de priorité 1, c’est-à-dire avec la même urgence que les axes de transports publics. Cela peut être mis en œuvre lors d’événements météorologiques hivernaux normaux, comme le montrent les expériences des années passées. Fin novembre 2024, ce n’était pas possible en raison des raisons mentionnées précédemment.

Avez-vous déjà tiré un bilan de cet incident ?
Les responsables du service hivernal de la Ville de Berne ont analysé ce qui s’est passé après le 21 novembre et effectué des ajustements. Certains itinéraires seront modifiés à l’avenir et certaines responsabilités revues. De plus, il est prévu d’informer plus tôt en cas d’événements météorologiques extrêmes et de mieux coordonner la communication avec Bernmobil. Il y a donc effectivement quelques enseignements à tirer de cet incident. Cependant, il est important de souligner une nouvelle fois que les équipes du service de la voirie ont donné leur maximum et que tout le personnel disponible a été mobilisé en permanence. Il convient également de mentionner que, ces dernières années, le service de déneigement a été quelque peu réduit, tant en termes de personnel que de financement, en raison des hivers plus doux causés par le changement climatique et des restrictions budgétaires imposées par la politique.

Un tel fiasco est-il déjà survenu ?
Les hivers à Berne sont, en raison du réchauffement climatique, beaucoup plus doux que ceux du siècle dernier. De ce fait, des événements météorologiques comme celui du 21 novembre sont perçus comme particulièrement frappants (et contraignants) : les habitants ne sont plus habitués à devoir faire face à des perturbations dues à la neige, à la pluie ou au vent, et ils ne sont parfois pas préparés. Par exemple, certains véhicules circulaient encore avec des pneus d’été le 21 novembre. Toutefois, ces dernières années, il y a eu occasionnellement des chutes de neige abondantes qui ont largement paralysé la circulation pendant plusieurs heures. Il est en effet difficile de déneiger en peu de temps les 650 kilomètres de routes et environ 320 kilomètres de trottoirs de la ville de Berne.

Berne a-t-elle besoin d’une milice de déneigement volontaire, comme cela a été suggéré dans la presse alémanique ?
Cette idée semble être une bonne solution sur le papier, mais elle serait difficilement réalisable dans la pratique : qui équiperait cette milice ? Qui la formerait ? Qui coordonnerait les efforts ? Qui réveillerait les volontaires à 3 heures du matin ? La réponse est donc non. Le service hivernal de la Ville de Berne convient bien mieux pour ce genre de tâches.

Propos recueillis par Christine Werlé, janvier 2025

Dix bonnes raisons d’habiter à Berne

BERNE : UNE VILLE À LA CONVIVIALITÉ TRANQUILLE

Après avoir passé 7 ans à la tête de la SRG SSR, Gilles Marchand va non seulement quitter son poste mais également Berne où il avait élu domicile lors de sa nomination. Sociologue de formation puis successivement directeur de la TSR qu’il transformera en RTS avec la fusion de la radio et de la télévision romande, ce Vaudois mais aussi Genevois de cœur évoque sa relation particulière avec Berne au cours de ces années passées dans la ville fédérale. Propos recueillis sous forme de bilan dans son bureau à la Giacomettistrasse.

Dans une fonction telle que celle que vous avez endossé jusqu’ici à la tête des médias publics nationaux, est-ce une nécessité d’élire domicile à Berne en plus d’y avoir son bureau ?
C’était dès le départ une certitude pour moi qu’il fallait habiter Berne mais aussi un message du Romand que je suis aux Alémaniques. Lorsque j’ai été élu à ce poste en 2016, j’ai décidé de consacrer quatre mois afin de parfaire ma maîtrise de l’allemand que je pratiquais de manière plutôt passive dans mes fonctions précédentes. Je voulais acquérir une meilleure pratique de la langue car diriger une équipe majoritairement germanophone sans maîtriser suffisamment l’allemand est quelque chose d’impossible. Après cet apprentissage intensif, j’ai quitté Genève pour m’établir avec ma famille à Berne dans le quartier d’Hirschengraben. Selon moi, on ne peut pas être directeur de la SSR sans habiter Berne, le cœur de la politique fédérale. De plus, Berne est plus centrale que toutes les villes romandes, ce qui est un aspect particulièrement important pour de telles fonctions car on est constamment en déplacement dans toute la Suisse.

Dans votre relation à la ville de Berne depuis que vous y avez élu domicile, lequel des deux a conquis l’autre ?
Ni l’un, ni l’autre. Pour moi, ma relation avec Berne a été exclusivement liée à mon métier. En choisissant Hirschengraben comme premier domicile, nous étions comme l’on pourrait dire un peu « hors sol » car le quartier est dans les faits un lieu de passage intégral dans lequel il n’y a que des passants mais pas de résidents. Si par sa proximité avec les transports publics le lieu était pratique par rapport à mes nombreux déplacements professionnels, durant les week-ends, nous nous retrouvions seuls dans l’immeuble dans lequel nous habitions, celui-ci se vidant de tous ses occupants de la semaine. Nous étions donc géographiquement connectés à Berne mais pas vraiment sociologiquement ni émotionnellement. Au Hirschengraben, il n’y n’a pas véritablement de vie de quartier. C’est en déménageant quelques années plus tard au Kirchenfeld que notre relation à Berne a radicalement changé. C’est là que nous avons connu ce que l’on peut appeler une vie de quartier. Ce qui me plaît particulièrement dans ce quartier et qui me fait un bien fou, c’est qu’on y entend différentes langues : S’il y a bien une chose qui m’a manqué en quittant Genève, c’est bien la dimension cosmopolite, chose qui fait défaut à Berne, une ville très helvétique, alémanique… et pas si francophile que ce que l’on veut bien croire. De toutes ces années passées ici, j’ai vraiment l’impression d’avoir vécu dans deux ou trois « Berne » différentes. Je ne dirais donc pas que la ville m’a adopté ou que je l’ai conquise car finalement, nous avons les deux coexisté, avec pour ma part un très fort ancrage professionnel.

La fin de vos activités professionnelles signifie votre départ de Berne puisque vous retournez habiter en Romandie. Quels sont les choses que vous allez regretter de Berne ?
D’une manière générale, Berne est une ville très douce et très plaisante, surtout l’été avec ses terrasses où il fait bon vivre. J’ai aimé ce côté ville-village un peu spécial, presque provençal, tout comme les différents quartiers, avec chacun leur identité propre. Il y a toutefois ici une caractéristique très particulière que l’on ne retrouve nulle part ailleurs : c’est la convivialité tranquille de la ville et de ses habitants. Il m’arrive souvent de me rendre à Genève, à Lausanne ou même à Paris, des villes qui sont certes conviviales mais pas du tout tranquilles. Ce mariage entre convivialité et tranquillité est une particularité de Berne qui va certainement me manquer.

Interview de Nicolas Steinmann, octobre 2024

BERNE ÉTUDIE LES EFFETS D’UNE RÉGULATION DU CANNABIS

La régulation du marché du cannabis n’est qu’une question de temps en Suisse. À Berne, une étude sur les effets sanitaires et sociaux d’une distribution contrôlée de cannabis devrait démarrer à l’automne.

Cela fait longtemps que la réglementation de la vente de cannabis fait l’objet de discussions en Suisse. Classé comme stupéfiant, le cannabis contenant plus de 1% de Tetrahydrocannabinol (THC), est interdit dans notre pays. Néanmoins, beaucoup en consomment à des fins récréatives, ce qui a pour effet de créer un marché noir, avec tous les effets négatifs que cela peut impliquer. En 2021, la modification de la loi sur les stupéfiants (LStup) a marqué un tournant en permettant la réalisation d’essais pilotes sur une distribution contrôlée de cannabis. À la suite de quoi, des chercheuses et chercheurs de l’Université de Berne ont décidé de relancer l’étude prévue en 2017, qui n’avait pas pu être conduite à l’époque, faute de cadre réglementaire le permettant. L’étude vise à examiner scientifiquement les effets sanitaires et sociaux de la vente réglementée de cannabis en pharmacie.

Approuvée en mai dernier par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et financée par le Fonds national suisse (FNS), l’étude SCRIPT devrait donc démarrer à l’automne, non seulement à Berne, mais aussi à Bienne et à Lucerne. Ses résultats devraient contribuer à la base de discussion pour une future réglementation du cannabis.

Participer plutôt que de laisser faire

La régulation de la «beuh» n’est en effet probablement qu’une question de temps, et les gens doivent s’y préparer. «Les autorités veulent réguler? Très bien. Le but de notre étude est de faire une proposition de régulation stricte est d’en étudier les effets.», explique Reto Auer, médecin de famille et coordinateur de l’étude SCRIPT à l’Université de Berne, qui propose que les professionnel(le)s de santé publique, les autorités sanitaires et la communauté participent au débat et de ne pas laisser l’industrie bourgeonnante du cannabis définir seule le cadre réglementaire.

«En tant que chercheurs, nous n’avons pas à être pour ou contre une régulation. Ce n’est pas notre rôle. C’est au politique de décider comment réguler le cannabis à l’avenir. Nous espérons que les résultats de l’étude pourront contribuer aux débats. La Commission Fédérale des Questions liées aux Addictions (CFANT) recommande que le cannabis soit accessible, mais pas promu. Il s’agit d’éviter d’ouvrir les vannes du jour au lendemain, comme au Colorado, où des enfants ont fini à l’hôpital car ils avaient avalé accidentellement des bonbons au cannabis peu sécurisés. Il ne faut pas non plus encourager la vente et la consommation avec de la publicité. La CFANT ne recommande pas que le cannabis soit vendu en grandes surfaces. En gros, il s’agit de ne pas faire la même erreur qu’avec le tabac et l’alcool», poursuit Reto Auer. C’est pourquoi l’étude sera réalisée selon un «modèle à but non-lucratif», c’est-à-dire sans générer de profit pour les points de vente, avec interdiction stricte de publicité, formation du personnel et le cannabis vendu dans des «paquets neutres».

Le choix des produits en pharmacie

Concrètement, le plan est de recruter 1091 participant(e)s dans les trois villes sélectionnées, dont environ 700 à Berne. Les personnes participant à l'étude seront des personnes qui consomment régulièrement du cannabis, âgé(e)s d’au moins 18 ans. La moitié d’entre elles pourra continuer d’acheter du cannabis sur le marché noir, tandis que l’autre moitié pourra acheter des produits fabriqués spécifiquement pour l'étude dans des pharmacies sélectionnées, et dont la concentration en THC sera limitée à 20% au maximum.

«Ils auront le choix entre des fleurs de cannabis, des résines de cannabis, du cannabis à vapoter et des teinture de cannabis à usage oral», détaille Reto Auer. Les prix de vente tiendront compte de la teneur en substance active, des prix pratiqués sur le marché illicite, et couvriront les frais des pharmacies, sans générer de profits pour les pharmacies.

Faire d’une pierre deux coups

L’étude SCRIPT vise à évaluer les conséquences de la vente réglementée de cannabis sur le comportement de consommation et la santé des fumeurs de joints. Elle vise en particulier à encourager le changement de consommation de formes fumées de cannabis et tabac vers des formes à risque réduit. «La grande majorité des personnes qui consomment du cannabis le fument et fument également des cigarettes de tabac. Le personnel de pharmacie pourra conseiller et informer les personnes participant à l’étude sur d’autres formes de consommation de cannabis et de nicotine moins nocives pour la santé, comme par exemple la vaporisation, le vapotage de cannabis ou les formes orales de cannabis tout comme les formes alternatives de consommer la nicotine», indique Reto Auer. «On espère ainsi que 10 à 20% des personnes participant à l’étude change de méthode.»

Pour la collecte des données, les personnes participant à l’étude devront se rendre au centre d’étude lors du lancement du projet, puis six mois plus tard. Ensuite, elles seront invitées à répondre à un questionnaire par téléphone ou par mail tous les six mois. L’étude SCRIPT durera au maximum deux ans.

Christine Werlé, août 2023

BERNE, UNE VILLE AUX ACCENTS MUSICAUX

Amoureuse de l’allemand et musicienne, la Genevoise Loreen Häsler s’est retrouvée sur les bords de l’Aar après un parcours atypique, mais surtout éclectique, inspiré par les études, l’envie de retrouver ses origines asiatiques (sa mère est cambodgienne) et le fort désir de faire de la musique : Bâle, Zurich, Vienne, le Cambodge, Baden, Berthoud et dernièrement la Grèce, avant de venir accrocher ses pénates à Berne pour une partie de la semaine. C’est lors de la période de confinement, il y a deux ans, qu’elle a commencé à jouer de la contrebasse dans les rues de la Cité des Ours, où de belles rencontres et des amitiés ont débouché sur un premier album musical du groupe fraîchement constitué « Chloe et Les Vaillantes ».

Qu’est-ce qui vous plaît à Berne et pourquoi y avoir élu domicile ?
Par sa position géographique et sa rivière, Berne m’a toujours plu. L’un de mes premiers contacts s’est fait pendant le confinement, alors que je jouais de la contrebasse dans les rues (désertes) et que j’habitais à Berthoud. Je pense que c’est grâce aux rencontres que j’ai faites qu’un lien particulier s’est tissé avec la population bernoise. Jouer dans les rues, c’est un peu se mettre à nu et tenter d’accrocher les passants sans savoir si notre musique leur plaît ou pas. Et quand ils s’arrêtent, cela débouche sur le partage d’un moment particulier, une sorte de complicité. Comme les répétitions avec notre groupe Chloé et les Vaillantes se font ici, je partage pour l’heure mon temps entre Berne et Genève, car j’ai aussi besoin de garder le contact avec ma famille.

Quels sont les lieux de Berne qui vous interpellent particulièrement ?
Berme a plusieurs facettes qui m’ont toujours plu, comme sa position géographique ou encore cette « presqu’île » du centre historique, enserrée par les méandres de l’Aar et sa couleur parfois émeraude. De manière plus détaillée, autant la communauté d’Anstadt (ndlr : près du Gaskesselwerk) que les arcades sont des aspects contrastés de Berne qui me parlent et me plaisent. J’ai l’impression que la façon dont Berne est construite reflète le côté tranquille de ses habitantes et ses habitants. Quand je suis à Berne, j’ai l’impression d’être invitée à être en paix. De plus, on y parle le « Bärndütsch », la langue que mon grand-père parlait (sourire gêné).

Berne est une ville un peu contrastée, avec des endroits très habités et d’autres, très verts et plus calmes. Y a-t-il un endroit particulier où vous vous rendez volontiers ?
Vu que je pratique également de la danse avec du feu, il y a un endroit que j’affectionne particulièrement pour m’entraîner en été, c’est le Dalmaziwiese (ndlr : à côté du Marzilibrücke), là où les gens font du slackline et du yoga. En hiver, on a la chance d’avoir la salle de gymnastique d’Altenberg qui est mise deux fois par semaine à la disposition des artistes et des gens qui pratiquent ce genre d’activités.

Si vous deviez quitter Berne, que prendriez-vous dans vos bagages ?
L’Aar et tous les chemins qui la bordent et les escaliers qui y mènent depuis la vieille ville. Et il y a une chose que je n’ai pas encore faite et que je me réjouis de faire cet été, c’est la descente de l’Aar en bateau gonflable. Je n’aimerais pas quitter la ville avant d’avoir pu pratiquer cette tradition typiquement bernoise (Rires).

Les coups de cœur de Loreen Häsler :

-  Le Rosengarten et les succulents tiramisus du restaurant éponyme
-  Le Lentulus-Hubel pour les couchers de soleil
-  Le public bernois, chaleureux et respectueux des artistes
-  Le Mahogany (là où a eu lieu le vernissage de l'album Footsteps de Cloe et les Vaillantes

Pour écouter l’album Footsteps, rendez-vous sur Chloe et Les Vaillantes ou l’émission de Carnotzet Voltaire de Radio Bern RaBe dans laquelle deux des protagonistes ont été reçues par Laure Thorens : Folk éclectique – Chloe et Les Vaillantes – Radio Bern RaBe

Propos recueillis par Nicolas Steinmann, avril 2023

FINIR SA VIE EN SUISSE-ALLEMAND

Peut-on vieillir à Berne en tant que francophone? La question se pose inévitablement à celles et ceux qui ont atteint l’âge de la retraite. La ville fédérale ne propose en effet aucun EMS bilingue.

Il y a encore une vingtaine d’années, vieillir à Berne posait un insurmontable problème aux Romands et francophones habitant en ville et dans les environs, car il n’existe aucun établissement médico-social (EMS) proposant des services en français. «Je sais qu'une institution de la ville de Berne a depuis des années sa propre unité pour des résidents italophones. Mais je ne connais pas d'équivalent en français», confirme Sevan Nalbandian, directeur de Curaviva BE, l’association des EMS du canton de Berne. Combien de personnes de langue française ont quitté Berne pour cette raison, une fois l’âge de la retraite atteint? On l’ignore, la langue maternelle n'étant pas enregistrée par le service des habitants.

«La ville de Berne a réalisé un sondage il y a 14 ou 15 ans pour savoir s’il y avait un intérêt de la part des Romands à la création d’une maison de retraite bilingue. Mais l’enquête n’a pas été concluante. La mise en œuvre ne s’est jamais faite car les personnes âgées voulaient rester dans leur quartier. C’était trop compliqué à réaliser», se remémore Maria Gafner, ancienne diacre à l’Église française de Berne.

Toujours pas d’offre en français

 Aujourd’hui, les choses n’ont guère changé du côté de l’offre linguistique dans les EMS bernois. «Il n'y a pas de maisons de repos bilingues en ville de Berne et il n'est pas prévu de le faire», souligne Katrin Haltmeier, cheffe de projet au Centre de compétences vieillesse de la ville de Berne.

Il faut aussi savoir que les autorités cantonales n'imposent pas d'exigences aux maisons de retraite concernant les compétences linguistiques de leur personnel. «La planification des établissements médico-sociaux dans le canton de Berne vise à ce qu'il y ait à peu près le même nombre de places en maison de repos disponibles pour chaque personne de plus de 80 ans dans la région respective. Cela garantit que les personnes francophones ou bilingues peuvent également trouver des places appropriées en maison de retraite», assure Gundekar Giebel, chef de la communication à la Direction de la santé, des affaires sociales et de l’intégration du canton de Berne.

L’évolution des mentalités

Pour Sevan Nalbandian, la langue en règle générale ne constitue pas un obstacle à l'entrée dans une institution bernoise de son choix. «Sans pouvoir me référer à des statistiques correspondantes, je pars du principe que la plupart des EMS de la ville de Berne peuvent également accueillir sans problème des résidents francophones, d'autant plus que nombre de ces personnes sont au moins bilingues ou n'insistent pas exclusivement sur le français.»

Si l’offre linguistique dans les maisons de retraite n’a pas été développée, les mentalités, elles, ont effectivement évolué. «J’ai moins rencontré le problème de la langue ces dernières années, car les seniors sont désormais bilingues. Ils arrivent à se faire comprendre», constate Maria Gafner, ajoutant: «Nos aînés ont dû faire des efforts, car pas mal de médecins à Berne viennent d’Allemagne, donc ils ne comprennent pas le français.»

Rester proche de sa famille

Ainsi, nombreux sont aujourd’hui les francophones qui ont choisi de couler leurs vieux jours dans la ville fédérale. «Les Romandes et Romands que je connais ont choisi de rester à Berne, témoigne Yves Seydoux, ancien journaliste et porte-parole. Mes parents, aujourd'hui décédés, sont restés ici. Les quelques vivants de leur génération ont fait de même, ayant passé toute leur vie à Berne et leurs enfants y habitant aussi. Je pense que, dans ce genre de choix, la proximité des proches est déterminante.»

Michel Schwob, ancien vice-chancelier à la Chancellerie cantonale bernoise, abonde dans le même sens: «Je vis toujours à Zollikofen, que je quitterai peut-être un jour pour un EMS, mais ce sera à Berne ou dans la région.» Il regrette que le critère de la langue soit déterminant pour certains. Lui personnellement préfère miser sur la qualité des soins plutôt que sur l’offre linguistique. «Il y a de toute façon des Romands dans toutes les maisons de retraite de Berne et des environs. Rien qu’à Zollikofen, j’en connais deux ou trois. Si je retournais aujourd’hui à Fribourg, je ne connaîtrais plus personne!».

«Ne pas mourir en suisse-allemand»

Tous les Romands et francophones de Berne ne partagent toutefois pas cet avis. «Après vingt-trois ans passés à Berne comme rédactrice au Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), je suis rentrée en 2011 dans le canton de Vaud, pour être près de ma famille et ne pas mourir en suisse-allemand», raconte Lucienne Hubler. «Je regrette certains agréments de la vie à Berne, les facilités de promenades dans les environs, la saison musicale et théâtrale, mais suis contente de mon choix, même si les rencontres se raréfient avec mes amis bernois.»

Sarah Vollert, diacre à l’Église française de Berne, a elle aussi rencontré une certaine insatisfaction parmi des aînés de langue française: «Je connais deux seniors, deux hommes, qui m’ont confié se sentir isolés dans l’EMS où ils se trouvent à cause du suisse-allemand.»

Christine Werlé, mars 2023

 

COLLÉGIALE OU CATHÉDRALE?

Depuis plus de quarante ans, une polémique anime les discussions de la communauté francophone de Berne : le Münster est-il une collégiale ou une cathédrale ? Comme aucune décision officielle n’a été rendue, la question n’a jamais été résolue. Et s’il s’agissait en fait d’une abbaye ?

La controverse a éclaté au début des années 1980, si l’on en croit les archives du Courrier de Berne : comment traduire en français le mot «Münster»? Par « collégiale » ou par « cathédrale » ? Aucune décision officielle n’ayant été prise jusqu’ici, les deux traductions sont utilisées. Lassé par la correspondance de lecteurs qui proposaient à tour de rôle soit « collégiale », soit « cathédrale », feu le rédacteur en chef Ernest Wüthrich avait finalement opté pour « collégiale » dans les articles de notre mensuel. Mais, en 1992, une étude de Berchtold Weber, destinée à la Bourgeoisie de Berne, est arrivée à la conclusion qu’il fallait dorénavant utiliser le mot « cathédrale ».

Pour étayer sa thèse, ce professeur de mathématiques et d’informatique féru d’histoire, s’appuie sur plusieurs arguments : le premier est que les dictionnaires Larousse, Langenscheidt et Mozin traduisent «Münster» par « cathédrale ». Ensuite, même si, d’après le droit canon, le mot « cathédrale » ne s’applique qu’à un évêché, le Münster n’a pas à se conformer aux prescriptions catholiques, n’étant pas concerné. Autre argument : le mot « collégiale » appliqué à l’Église évangélique réformée est une référence à l’histoire et ne rend pas compte de son état actuel : un temple. Jusqu’en 1485, le Münster est une église paroissiale consacrée à saint Vincent de Saragosse, dont le service est assuré par l’Ordre Teutonique (Deutsche Orden).

L’équivalent d’une ville épiscopale

Le 19 octobre 1484, le pape charge l’évêque de Lausanne de détacher cette paroisse de l’Ordre Teutonique et d’en faire une collégiale laïque, ce qu’elle demeure jusqu’à la Réforme en 1528. En 1485, les chanoines de saint Vincent succèdent aux chevaliers teutoniques et établissent un monastère au Münster. Comme Berne se trouvait sur la rive gauche de l'Aar sur le territoire de l'ancien diocèse de Lausanne (la rive droite de l'Aar appartenait alors au diocèse de Constance), la liturgie du diocèse de Lausanne fut introduite.

Bien que n’abritant aucun évêque, la ville de Berne possédait les mêmes avantages qu’une ville épiscopale, le responsable de la collégiale ayant reçu les ornements pontificaux, selon Berchtold Weber. De plus, on employait déjà le mot «Münster» (qui vient du latin « monastérien » qui signifie monastère) pour désigner l’église. Après la Réforme, le doyen du Münster occupait les mêmes fonctions qu’un évêque : charges d’instituteur, consécration des pasteurs et présidence du Tribunal de la Cour suprême ecclésiastique. Berne n’a pas placé un évêque à la tête de l’Église nationale, comme le conseillait Luther. Pourtant, le pouvoir du doyen du Münster était très étendu, le Münster étant l’église principale de la Suisse réformée.

La décision du propriétaire

Après les négociations avec la Cour de France concernant les guerres de Bourgogne (1474 à 1477), Berne s’est mise au français, rappelle encore Berchtold Weber dans son étude. La traduction du mot «Berner Münster» est donc une question ancienne. Une traduction actuelle doit se mesurer à celle qui avait été proposée à cette époque. L’architecte Carl von Sinner publia en 1790 un plan de la ville de Berne dans lequel il désignait la «Grosse Kirche» ou bien «Münster» par l’expression « Église cathédrale Saint-Vincent ». On croit qu’il a suivi en cela l’usage de cette époque, voulant seulement rendre compte des noms des rues et des bâtiments qui existaient déjà et non pour faire un nouveau plan. De nombreuses preuves attestent qu’au XIXe, le Münster était appelé « cathédrale ». Au cours des années 1860, la Municipalité a fixé l’usage en traduisant «Münsterplatz» et «Kirchgasse» (la Münstergasse depuis 1967) par « Place de la cathédrale » et « rue de la cathédrale ».

Vers 1880, l’intérêt porté à l’histoire de l’art se développe. Voulant se référer à l’usage catholique selon lequel une église réformée doit prendre le nom qu’elle portait avant la Réforme, on a traduit «Münster» par « collégiale ».

Enfin, toujours selon Berchtold Weber, seul, le propriétaire du bâtiment est en droit de déterminer quelle sera la traduction définitive. Le Conseil paroissial du Münster a confirmé en 1993 vouloir conserver le mot « cathédrale » dans la traduction de «Berner Münster». Sa position est motivée par les arguments suivants : le Conseil suit l’usage de la langue du XVIIIe siècle ; le mot « cathédrale » est la traduction littérale de «Münster» ; Berne a eu un prévôt capitulaire exerçant tous les pouvoirs épiscopaux; le doyen qui travaillait à l’église de Berne avait toutes les fonctions d’un évêque.

Un terme trompeur

Bernd Nicolai, professeur émérite à l’Institut d’histoire de l’art de l’Université de Berne, n’est pas de cet avis. « Le Münster de Berne était à la fois une église collégiale (Stiftskirche) et une église paroissiale, retrace-t-il. «Münster» est un terme historique utilisé en général pour les églises du sud de l'Allemagne, en Alsace et en Suisse alémanique, c'est-à-dire dans l’espace germanophone. Il vient du latin « monasterium » (monastère), mais fait référence aux églises de ville, qu'il s'agisse de cathédrales, d'églises paroissiales ou collégiales (Berner, Baseler, Strasbourg, Freiburger Münster). »

Pour le spécialiste, le terme « cathédrale » est assez trompeur car Berne n'a jamais été le siège d'un évêque. « Le Münster de Berne était sous la responsabilité de l'évêque de Lausanne. Dans cet esprit, nous avons également utilisé le terme « collégiale » dans la version française du nouveau guide de la Société d’histoire de l’art en Suisse (SHAS). L'Aar formait également une frontière entre les évêchés de Lausanne et de Constance. »

Une nouvelle définition

Felix Gerber, sacristain et responsable du Münster, propose une variante. En préambule, il rappelle que lors de la fondation de Berne vers 1190, la ville appartenait ecclésiastiquement à la paroisse de Köniz, une commanderie de l'Ordre Teutonique. En 1276, Berne devint une commanderie de l'Ordre Teutonique. Ce dernier nommait le curé de la ville à l'église de la ville, dédiée à saint Vincent, et réglait le service selon la liturgie de l'ordre.

« Étant donné que le Münster de Berne n'a jamais été le siège d'un évêque, c'est-à-dire jamais une cathédrale (terme utilisé dans les régions de langue latine) ou un dôme (terme utilisé dans les régions de langue allemande), mais appartenait à l'Église de Köniz et donc à l'Ordre Teutonique avec sa structure de type monastère jusqu'au XVe siècle, le terme «Klosterkirche» (église du monastère ou abbaye) n’est pas tout à fait faux », étaie Felix Gerber.

Christine Werlé, janvier 2023